Une médaille de baptême, trois métiers rares
Sans l’artiste, pas de médaille. Sans l’outilleur graveur, pas de réduction du modèle et sans l’artisan bijoutier, pas de frappe de médaille. Trois métiers interdépendants qui obligent chacun à poser ses exigences techniques corrélativement à l’autre dans un but de constante amélioration. Il y a dans l’art particulier de la médaille, une sourde complexité pour finalement mettre au jour, la simple Beauté.
Le travail de l’artiste :
L’esprit de l’artiste, constamment en alerte, suscite parfois quelques traits au crayon, sur le papier. Mais la plupart du temps, l’idée seule guide les mains qui modèlent directement les premiers reliefs avec de la plastiline (pâte à modeler) sur un disque plat de 20cm.
Ce travail de l’artiste est le résultat d’une technique de sculpture très délicate : un bas-relief en sctiaccato ou rilievo schiacciato : relief écrasé, dont les proportions et les perspectives sont difficiles à capter. La composition du sujet, pour sa part, doit répondre à certaines obligations symboliques et expressives de la religion : relier l’Homme à Dieu par le chemin de l’Art. Et l’ensemble des détails du modèle doit rendre lisible instantanément son message.
Charles Saunier, critique d’art, déclarait sans ambage :
« Nul art n’est plus complexe que celui de la médaille. Sous des dehors attrayants, il cache des difficultés presque insurmontables. A une extraordinaire sûreté de main, l’artiste est forcé de joindre des qualités cérébrales de premier ordre. La perfection doit être d’autant plus grande que le champ d’action est restreint »
Par moulage, l’artiste transforme son œuvre presque terminée en un plâtre. De nouvelles corrections sont alors possibles. Puis de nouveaux moulages suivent. Ce travail peut s’étaler sur plusieurs mois. Lorsque le dernier plâtre est corrigé, il va servir de guide pour la réduction
C’est maintenant le travail de l’outilleur graveur.
Jusqu’à la fin du XIX ème siècle, les matrices (petits cylindres d’acier) étaient directement gravées à la taille de la future médaille, en creux et à l’envers, entièrement à la main avec des instruments adaptés, capables de ciseler le métal. Ce travail de haute volée n’est plus possible aujourd’hui, car il demande d’être pratiqué sans cesse pour garder sa main. Les coûts engendrés par cette pratique sont forcément hors de prix. Et il ne reste donc que très peu de gens qui savent la pratiquer.
L’apparition du tour à réduire, ou tour à reproduire a bouleversé l’Art de la médaille. Dans une époque où la médaille était un mode de représentation sociale très en vogue, beaucoup d’artistes de grand talent s’y sont essayés. Et là où ils mettaient une année à graver une médaille à la main, ce nouvel instrument a révolutionné leur cadence de production : en 2 ou 3 jours, la matrice est faite. C’est par un système de pantographe que ce tour permet de réduire et de graver le modèle de l’artiste à la taille d’une médaille sur un cylindre d’acier.
Le travail actuel de l’outilleur médailleur consiste d‘une part à manier ce tour avec une grande précision. La trace que fait l’outil dans l’acier est au micron près, reproduisant point par point le travail de l’artiste. Un relief trop prononcé, et la machine reçoit une vibration qui fait naitre un sillon malvenu. L’outilleur graveur devra donc corriger ensuite toutes ces traces d’usinage avec des instruments adaptés, avec tact, protégeant coûte que coûte les reliefs créés par l’artiste. A ce stade, l’acier peut encore recevoir des corrections.
Lorsque la matrice est enfin « trempée », et donc devenue très résistante, elle est confiée à l’artisan bijoutier.
Le travail de l’artisan bijoutier
C’est avec une presse de 100 tonnes sur laquelle il fixe la matrice en creux, qu’il enfoncera le métal choisi. Une médaille en or doit être frappée plusieurs fois pour faire bien sortir tous les reliefs du modèle. Entre chaque frappe, l’or doit être recuit, sous peine de se casser.
L’artisan bijoutier découpe, lime et soude l’anneau et la bélière à la médaille.
Et enfin, il réalise une patine brillante par polissage, ou bien une patine satinée, par l’opération délicate du sablage.
Il ne manque plus que la gravure qui personnalisera ce précieux cadeau.
Des mains de l’artiste, à celles de l’outilleur graveur, et enfin à celles de l’artisan qui frappe la médaille, c’est une chaine de passions, de cœur, où les heures passées ne comptent plus.
L’Art qui nait de multiples difficultés dans la joie, est fait pour embellir la vie. Il est un courant mystérieux dont vous, les contemplants, êtes les nouveaux dépositaires.
par Anne KIRKPATRICK